Cortisol et mauvais souvenirs


Selon une étude réalisée par une université au Canada, les souvenirs gravés dans la mémoire pourraient être modifiés pharmacologiquement c'est-à-dire par le biais de médicaments.

Se basant sur des travaux déjà menés sur l'animal, des chercheurs ont évalué l'effet du cortisol, hormone du stress, sur les souvenirs ayant un impact psychologique négatif. Deux chercheurs, Marie-France Marin et Sonia Lupien de l'Université de Montréal, ont réalisé une étude sur la mémorisation d'événements de 2 natures différentes. Pour les besoins d'une expérience, 33 hommes ont été sélectionnés. Ces hommes durent mémoriser une histoire composée d’événements neutres, sans impact en terme de ressenti psychoaffectif, et d’évènements négatifs ayant un certain effet sur l’affect. Trois jours plus tard, les participants furent répartis sur trois groupes. Ceux du premier groupe reçurent une dose unique d'un médicament empêchant la synthèse du cortisol. Ceux du deuxième, une double dose; et enfin ceux du troisième, un placebo. Il fut ensuite demandé à chacun des participants des 3 groupes de raconter l’histoire en décrivant les différents évènements avec le maximum de détails. Quatre jours plus tard, l’action du médicament ayant totalement disparu, le niveau de souvenir de l’histoire apprise par les 33 personnes fut réévalué.

Résultats : les sujets ayant reçu en particulier une double dose du médicament avaient oublié beaucoup d'informations ayant trait aux faits négatifs. Aucun oubli ne fut par contre observé pour les faits neutres. Les résultats obtenus furent les mêmes sur le plan de la mémorisation 4 jours plus tard ; les souvenirs des évènements négatifs avaient été plus ou moins effacés de la mémoire. 

Conclusion des chercheurs : le travail cérébral consistant à se remémorer des souvenirs désagréables après l'action d'un inhibiteur de la synthèse du cortisol est rendu plus difficile. Cette expérience laisse à penser que le cortisol augmente la capacité du cerveau à mémoriser les émotions négatives associées à des souvenirs !


Régime alimentaire et cortisol

Les comportements humains et notamment les habitudes alimentaires sont la résultante de nombreux facteurs psychoaffectifs et socioculturels, mais sont également fortement influencés par des déterminants physiologiques et biologiques. Au sein des structures cérébrales, intervient un ensemble de neuromédiateurs parmi lesquels la sérotonine et la dopamine participant à la régulation de mécanisme comme celui de la faim ou de la satiété, entre autres. Ces neuromédiateurs requièrent la présence dans l'alimentation de certains nutriments essentiels tels que les acides aminés tryptophane et tyrosine. A noter que ces neuromédiateurs, et en particulier la sérotonine, agissent sur l'équilibre psychologique et l'humeur d'un individu. Un déficit de sérotonine chronique prépare le terrain au développement d'un état dépressif. Il faut savoir par ailleurs qu'une insuffisance de sérotonine peut résulter d'un apport alimentaire de tryptophane trop faible mais aussi d'une anomalie conduisant à une mauvaise assimilation au cours de la digestion ou encore d’une activation du système immunitaire.

Si un manque de tryptophane peut dans certains cas engendrer la dépression, l'alimentation, d’une façon générale, peut quant à elle provoquer une surproduction de l'hormone de stress qu'est le cortisol.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

Variation de la teneur du cortisol dans la salive de femmes en bonne santé ayant consommé à 12 heures un repas de 630 kcal contenant 32 % (tracé continu) ou 5% (tracé en pointillé) de protéines.

(sources: Psychosom Med 1999 Mar;61(2):214-224. Increased salivary cortisol reliably induced by a protein-rich midday meal.)

 

 

Cette augmentation du cortisol au cours des repas peut parfois déboucher sur un syndrome de Cushing souvent dans une forme subclinique c'est-à-dire sans symptômes apparents.

En effet il arrive que l'on observe chez des individus possédant une anomalie génétique bien particulière, le développement de cette pathologie. Toutefois il faut savoir que la consommation de repas fortement protéinés avec peu de glucides est susceptible d’amener des sujets sains à la même pathologie.

A l’inverse, un repas riche en carbohydrates et pauvre en protéines n’élève que très peu le niveau de cortisol. En outre, il permet d'augmenter le rapport tryptophane sur aminoacides branchés (leucine, isoleucine, valine) à l’entrée du cerveau, ce qui a un effet très positif sur l’équilibre psychologique.

 

Explication : concernant le transport dans le cerveau, l'acide aminé tryptophane est en compétition avec les acides aminés branchés, car le mécanisme utilisé par les 2 types d’aminoacides est le même. La présence de carbohydrates dans un repas augmente la glycémie et cela induit par conséquent la sécrétion d’insuline. Cette dernière a pour effet d'envoyer les acides aminés branchés dans les muscles, et pour le tryptophane le champ est libre et l’accès au cerveau devient très facile puisqu’il n’y a plus de compétition. Il se forme dans cette situation beaucoup plus de sérotonine indispensable à l'équilibre psychoémotionnel. Cela explique l'effet antidépresseur des aliments sucrés chez les personnes souffrant de troubles psychoaffectifs.

 

De tout cela il faut en conclure que si le cortisol favorise, comme les études semblent le montrer, la mémorisation des évènements négatifs et par conséquent la persistance des souvenirs douloureusement vécus alors certaines habitudes alimentaires sont susceptibles d’aggraver encore le ressenti du souvenir d'événements tragiques, d’empêcher l'oubli des évènements négatifs d’un vécu et d’entretenir très longtemps un stress post-traumatique, et ce, en promouvant la libération d’une plus importante quantité d’hormone de stress. A noter que, dans tous les cas, des repas riches en protéines, consommés régulièrement, exacerbent le stress chez une personne fragile sur un plan psychologique.

 

Références bibliographiques

 

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