Charcuterie et tumeur cérébrale pédiatrique

 

Le cancer du cerveau est chez l’enfant un des cancers qui est en augmentation régulière. En 2000 aux États-Unis, 2,7 enfants pour 100 000 étaient atteints d’une tumeur au cerveau. En 2005, cette prévalence était passée à 3,0 enfants pour 100 000. En France, la fréquence des tumeurs cérébrales est de 30 par million et par an soit approximativement 1950 tumeurs cérébrales pédiatriques chaque année.

Chez l'enfant le taux de survie pour ce type de cancer est d'environ 60 %. En fait ce taux varie suivant l'âge de l’enfant lors du diagnostic et le type de cancer (pour les plus jeunes, la mortalité est plus élevée).

 

  
Nitrites et charcuterie

L’origine de l’utilisation des nitrates pour la conservation de la viande remonte à la nuit des temps. En effet déjà à l’époque du poète Homère c’est-à-dire 850 ans avant Jésus Christ les nitrates étaient abondamment employés pour la conservation de la viande. Les réfrigérateurs n’existant pas, il fallait bien recourir à un moyen pour conserver la viande. Celle-ci fait partie des substances alimentaires hautement périssables surtout dans un environnement chaud et rempli de micro-organismes à l’affût du moindre bout de viande à putréfier !

Ce sont les Grecs qui ont appris aux Romains l’art de la salaison. Toutefois les Romains ont été les premiers à observer que les nitrites, composés chimiques de couleur blanche, donnent à la viande au bout de quelque temps (vieillissement) et plus rapidement après la cuisson une coloration rosée. Les produits à base de viande qui ne contiennent pas de nitrites ou des nitrates présentent généralement une coloration plutôt grise ou brune selon l’origine de la viande.

Les nitrites réagissent avec les protéines contenues dans la viande et après cuisson, ils forment des nitrosohémochromes qui donnent aux aliments carnés cette coloration rosée caractéristique.

Pourquoi l’ajout de nitrite de sodium? Parce que cela prévient la germination des spores bactériennes provenant notamment du Clostridium Botulinum, bactérie dont la toxine peut conduire à une paralysie progressive mortelle.

  

Charcuterie et cancer pédiatrique

Des études expérimentales réalisées sur l’animal il y a maintenant plus de trente ans avaient montré que les N-nitroso amines (nitrites additionnés aux amines) se trouvant dans la charcuterie traversent facilement le placenta et provoque des tumeurs du cerveau à la descendance, plus particulièrement chez les jeunes animaux. On sait à présent que les nitrites franchissent également sans difficulté la barrière placentaire humaine. Les nitrites ont cette particularité de former facilement des N-nitroso amines, composés cancérigènes, avec les amines présentes aussi bien dans la charcuterie que dans l’organisme de l’homme, de la femme et très certainement aussi du fœtus.

 

Des études épidémiologiques ont mis en évidence une faible probabilité de formation de tumeur du cerveau chez les enfants nés d’une mère ayant consommé très peu de charcuterie au cours de la grossesse. Par contre la probabilité s’élève de façon importante avec la consommation de charcuterie. Plus précisément il apparait un risque significatif pour l’enfant à naitre quand la quantité de nitrite absorbé par la futur maman est supérieure à 3 mg par jour soit la consommation de 50 à 100 g de charcuterie (1 ou 2 tranches de jambon, 5 à 10 rondelles de salami ou 4 à 6 de mortadelle).

 

Remarque : la législation française précise que les sels d’oxyde nitrique ajoutés à la charcuterie ne doivent pas dépasser :

- 300 mg/kg pour les nitrates,

- 150 mg/kg pour les nitrites.
A noter que les nitrates représentent un certain danger puisqu'ils peuvent être convertis en nitrites (voir article "Parkinson et les nitrates").

 

Quelques chiffres permettront de mieux comprendre.

Si une femme enceinte consomme une assiettée de charcuterie contenant 100 g des produits divers, jambon, salami, bacon, mortadelle, pâté, hot-dog, poisson fumé, etc., son organisme pourra absorber par exemple 15 mg de nitrites.

Supposons que sur ces 15 mg de nitrites, 5 seulement traversent le placenta et si le foetus ne pèse par exemple que 200 g (17 semaines) cela reviendrait à perfuser pendant environ 2 heures dans le sang d'une personne de 80 kg, 4 g de nitrite de potassium.

Si le fœtus a 23 semaines, il pèse à peu près 500 g et ces 5 mg de nitrites correspondent encore pour un individu de 80 kilogrammes à la perfusion de 1500 mg de nitrite de potassium. Entre la semaine 17 et 23, il peut y avoir encore beaucoup d’autres occasions de consommer des produits alimentaires contenant des nitrites et par la suite aussi d'ailleurs!

 

Il n'est pas étonnant dans ces conditions que l'enfant qui vient au monde avec un cerveau dont la construction n’est pas achevée puisse développer, quelques mois voire quelques années plus tard une tumeur surtout s’il continue de s’exposer aux nitrites en consommant fréquemment de la charcuterie telle que du jambon ou des saucisses du genre hot-dog qui sont des aliments que les enfants préfèrent, et de très loin, aux légumes.

 

 

Références bibliographiques

 

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Maternal intake of N-nitroso compounds from cured meat and the risk of pediatric brain tumors: a review.