Anxiété et stress :

 

si la cause n'était pas dans la tête !

 

L'anxiété est un état psychologique et physiologique caractérisé par un certain nombre de composants qui peuvent être de nature émotionnelle, cognitive ou comportementale. Le stress correspond, quant à lui, à un ensemble de réponses d'un organisme soumis à des contraintes dans un environnement donné. Un homme ou un animal peut éprouver de l'anxiété, mais il n'en est pas de même d'une plante. Celle-ci peut cependant stresser dans un environnement qui lui est "hostile" et ce stress pourra se traduire au final par un dépérissement.

Si anxiété et stress sont différents, ils sont toutefois chez l'homme comme chez l'animal étroitement liés.

L'anxiété est considérée comme une réaction normale à une situation qui génère du stress. Cependant, lorsque l'anxiété devient excessive ou persiste, elle acquiert un caractère pathologique et on parle alors de « troubles de l'anxiété ».


Origine de l'anxiété


 

Au cours des premiers jours de la vie, le corps humain est colonisé par diverses bactéries qui se rassemblent dans les intestins. Le gros intestin est l'organe qui contient le plus de bactéries. Leur nombre est 10 fois plus grand que celui des cellules qui constituent notre corps soit 100 000 000 000 000 (cent mille millliards). La composition de la flore intestinale varie fortement avec la nature et les quantités d'aliments ingérés. On observe ainsi beaucoup plus des bactéries du type bactéroïde* chez les mangeurs de viande que chez les végétaliens.

* les bactéroïdes sont une famille de bactéries appartenant à la flore intestinale à caractère pathogène.

 

Des travaux scientifiques récents ont mis en évidence que la flore intestinale participe à la bonne santé du cerveau « fonctionnel » et agit sur l’équilibre psycho-émotionnel, et ce, dès le commencement de la vie. En fait, les bactéries de la flore intestinale activent le système nerveux central (cerveau) et lui envoient des signaux par le biais du système nerveux autonome et du système immunitaire.

 

Actuellement, il y a toutes les raisons de croire qu’il existe un véritable processus de communication à la fois chimique et bioélectrique entre la flore intestinale, le gros intestin et le cerveau. Cette communication serait effective lors d'un stress chronique, d'une dépression et peut-être même dans le cas d’une schizophrénie.

 

 

Stress mental et Escherichia coli


 

Des expériences menées avec des souris sans germes intestinaux ont apporté un certain nombre de réponses. Ce type de souris ne montre pas une prédisposition particulière au stress dans des conditions normales. Toutefois quand on leur injecte des bactéries, en particulier *Escherichia coli, alors apparaissent des substances de la famille des catécholamines (parmi elles, une bien connue: l’adrénaline) qui ont pour effet d'induire alors un état de stress prononcé chez l'animal.

 

*Escherichia coli est la bactérie responsable de la cystite qui est une affection plus courante chez la femme que chez l’homme de même que le stress et la dépression.

 

Un état de stress se traduit par la libération dans le sang de l’hormone de stress, le cortisol, et de substances de la famille des catécholamines. L’adrénaline qui, rappelons-le, fait partie de ces catécholamines agit sur certains organes et viscères. Sous l'emprise d'un stress, le coeur s'accélère, la pression artérielle augmente et certains individus voient leur transit intestinal s'accélérer également.

 

Le mécanisme liant la flore intestinale et l’anxiété n’est, à ce jour, pas précisément connu. Tous les résultats de recherche convergent cependant vers une relation entre les microbes des intestins et le système nerveux autonome plus particulièrement le nerf vague*.

* Le nerf vague régule en particulier les sécrétions des glandes surrénales. Ces dernières sécrètent entre autres substances, le cortisol, hormone du stress.

 

En fait, un lien entre microbes et anxiété peut s'établir de la façon suivante : si de l'adrénaline est libérée par certains microbes intestinaux, cette substance est alors absorbée et passe dans le sang. Elle se fixe sur des récepteurs spécifiques appartenant au système nerveux autonome et ce dernier modifie son activité. Si l'activité du système nerveux autonome est modifiée, cette modification est aussitôt transmise au système nerveux central autrement dit au cerveau qui réagit en conséquence. A noter qu’en dehors de l’adrénaline, des toxines bactériennes provenant des intestins peuvent aussi activer le système nerveux autonome.

 

Dernier point : les catécholamines produites lors d'un stress mental permettent à certaines bactéries parmi lesquelles Escherichia coli de se multiplier dans les intestins. Il est bon de préciser qu’Escherichia coli trouve l'énergie nécessaire à sa croissance dans les nitrates présents dans leur environnement.

 

Antibiotiques et anxiété


 

Il est bien connu que les antibiotiques peuvent déséquilibrer la flore intestinale et favoriser le développement des souches les plus résistantes souvent aussi les plus pathogènes comme Escherichia coli. On sait que cette dernière peut promouvoir l'adrénaline dans les intestins. Certains antibiotiques peuvent-ils alors induire ou accroître l'anxiété? Oui. Des observations cliniques l'ont mis en évidence aussi bien chez des personnes âgées que chez de jeunes adultes. De plus, un antibiotique qui est généralement une molécule organique peut se fixer sur des récepteurs qui pourront avoir pour effet d'accentuer l'anxiété et de rendre celle-ci aiguë, le temps que dure le traitement antibiotique.

 

En France, la consommation d'antibiotiques est supérieure aux autres pays de la communauté européenne. Il se trouve que les Français sont également les plus gros consommateurs en Europe de psychotropes de toute nature. Y a-t-il un lien ?

 

Pathologies intestinales et affections psycho-émotionnelles

 

Les individus souffrant de pathologies intestinales (maladie coeliaque ou intolérance au gluten, inflammation chronique des intestins type maladie de Crohn, syndrome du colon irritable, etc.) ont des soucis avec leur flore intestinale. Des études épidémiologiques ont montré que souvent à côté de leur pathologie on observe des affections de nature psycho-émotionnelle comme l'anxiété ou la dépression.

Remarque : Il a été donné à des individus sains pendant un mois une alimentation sans gluten. La composition de la flore intestinale des participants fût ensuite analysée. Résultat: augmentation des entérobactéries, en particulier Escherichia coli.


 

Conclusions

 

Si l’on souffre d’un stress chronique, il faut non seulement agir sur la flore intestinale, mais aussi sur le système immunitaire. En outre, il convient de rééquilibrer également le système nerveux autonome pour ne pas mettre continuellement le système nerveux central (le cerveau) sous pression afin d'éviter une éventuelle dérive vers la dépression ou des problèmes organiques (pathologies cardiovasculaires, ulcères, maladies de peau, etc.).

 

Références bibliographiques

 

Metab Syndr Relat Disord. 2005;3(1):8-13.

Stress and metabolism.

 

Curr Opin Clin Nutr Metab Care. 2005 Mar;8(2):205-9.

The impact of stress and nutrition on bacterial-host interactions at the intestinal epithelial surface.

 

Life Sci. 1992;50(3):203-12.

Catecholamine induced growth of gram negative bacteria.

 

Life Sci. 2002 Jun 14;71(4):447-56.

Differential effects of catecholamines on in vitro growth of pathogenic bacteria.

 

Cell Tissue Res. 2011 Jan;343(1):23-32.

Stress at the intestinal surface: catecholamines and mucosa-bacteria interactions.

 

JAMA Pediatr. 2013 Apr;167(4):374-9.

Effect of intestinal microbial ecology on the developing brain.

 

Cell Mol Life Sci. 2013 Jan;70(1):55-69.

Voices from within: gut microbes and the CNS.

 

Front Physiol. 2011;2:94.

Brain-gut-microbe communication in health and disease.

 

Curr Opin Gastroenterol. 2012 Nov;28(6):557-62.

On communication between gut microbes and the brain.

 

Neurogastroenterol Motil. 2012 May;24(5):405-13.

Microbes and the gut-brain axis.

 

Med Hypotheses. 2005;64(3):547-52.

Gene, gut and schizophrenia: the meeting point for the gene-environment interaction in developing schizophrenia.

 

Neth Heart J. 2013 Feb;21(2):64-9.

Central nervous system involvement in the autonomic responses to psychological distress.

 

Hum Brain Mapp. 2012 Feb 27.

Direct stimulation of the autonomic nervous system modulates activity of the brain at rest and when engaged in a cognitive task.

 

Brain Nerve. 2012 Oct;64(10):1113-9.

Emotion, amygdala, and autonomic nervous system].

 

Int J Psychosom. 1985;32(3):28-34.

The role of the parasympathetic division of the autonomic nervous system in stress and the emotions

 

Biol Psychiatry. 1996 Feb 15;39(4):255-66.

Autonomic characteristics of generalized anxiety disorder and worry.

 

J Affect Disord. 1996 Sep 9;40(1-2):61-71.

Anxiety and autonomic regulation in major depressive disorder: an exploratory study.

 

J Neurochem. 1991 Nov;57(5):1615-22.

Stress- and endotoxin-induced increases in brain tryptophan and serotonin metabolism depend on sympathetic nervous system activity.

 

Brain Res. 2001 Jun 8;903(1-2):117-27.

Central representation of the sympathetic nervous system in the cerebral cortex.

 

J Psychiatr Res. 2008 Feb;42(3):205-12.

Sympathetic activation in broadly defined generalized anxiety disorder.

 

Psychiatr Clin North Am. 1988 Jun;11(2):375-86.

The peripheral sympathetic nervous system. Its role in normal and pathologic anxiety.

 

Psychiatry Res. 1991 Jan;36(1):99-110.

Concordance between anxiety and autonomic nervous system activity in subjects at genetic risk for affective disorder.

 

Trends Neurosci. 2013 May;36(5):305-12.

Gut-brain axis: how the microbiome influences anxiety and depression.

 

Am J Physiol Gastrointest Liver Physiol. 2012 Dec 1;303(11):G1288-95.

Critical role of gut microbiota in the production of biologically active, free catecholamines in the gut lumen of mice.

 

Indian J Psychiatry. 2008 Jan;50(1):57-8.

Levofloxacin-induced acute psychosis.

 

J Neurosci Rural Pract. 2012 May;3(2):212-4.

Levofloxacin-induced acute anxiety and insomnia.

 

Commun Integr Biol. 2011 Jul;4(4):492-4.

Effects of intestinal microbiota on anxiety-like behavior.

 

Neurogastroenterol Motil. 2011 Mar;23(3):255-64, e119.

Reduced anxiety-like behavior and central neurochemical change in germ-free mice.

 

J Gastroenterol Hepatol. 2005 Mar;20(3):332-9.

Stress and the gastrointestinal tract.

 

Brain Behav Immun. 2011 Mar;25(3):397-407.

Exposure to a social stressor alters the structure of the intestinal microbiota: implications for stressor-induced immunomodulation.

 

Psychoneuroendocrinology. 2012 Sep;37(9):1369-78.

Regulation of the stress response by the gut microbiota : implications for psychoneuroendocrinology.

 

Nat Rev Neurosci. 2012 Oct;13(10):701-12.

Mind-altering microorganisms: the impact of the gut microbiota on brain and behaviour.

 

Nat Rev Immunol. 2004 Jun;4(6):478-85

Interactions between commensal intestinal bacteria and the immune system

 

Benef Microbes. 2013 Mar 1;4(1):31-7.

Evolution of the gut microbiota and the influence of diet.

 

J Psychiatry Neurosci. 2009 May;34(3):230-1.

Effects of gut microbiota on the brain: implications for psychiatry.

 

Antimicrob Agents Chemother. 2013 May 20.

Antibiotic Administration Routes Significantly Influence the Levels of Antibiotic Resistance in Gut Microbiota.

 

Science. 2013 Feb 8;339(6120):708-11.

Host-derived nitrate boosts growth of E. coli in the inflamed gut.

 

Acta Psychiatr Scand. 2012 Mar;125(3):189-93.

Meta-analysis on anxiety and depression in adult celiac disease.

 

Br J Nutr. 2009 Oct;102(8):1154-60.

Effects of a gluten-free diet on gut microbiota and immune function in healthy adult human subjects.

 

Inflamm Bowel Dis. 2012 Nov;18(11):2086-91.

Risk factors of anxiety and depression in inflammatory bowel disease.

 

Intern Med. 2013;52(12):1295-301.

Mental, physical, dietary, and nutritional effects on irritable bowel syndrome in young Japanese women.

 

J Infect Dis. 2005 Aug 15;192(4):551-5.

Interactive functional specificity of the stress and immune responses: the ying, the yang, and the defense against 2 major classes of bacteria.